lundi 22 avril 2019

Industrie Minière : Une réflexion sur les conditions de réussite des projets miniers qui mérite attention


Dans un contexte où doit se tenir à Conakry l’édition 2019 du symposium des mines de Guinée, j’ai souhaité partager avec vous les réflexions opérées par les experts d'un cabinet international, McKinsey, sur 9 points essentiels qui conditionnent la réussite durable dans toute entreprise minière au plan mondial. Il s'agit de la publication du mois d'août 2018 du magazine "Capital Projects & Infrastructure" et le titre est : "Avoiding mistakes of the past : A CEO's checklist in a commodity upswing"
En français on pourrait le traduire ainsi :
« Éviter les erreurs du passé : la liste de contrôle d'un PDG dans un contexte de reprise pour les produits de base. »
La Guinée faisant partie du monde, il y a donc matière à ce que les opérateurs du secteur qui y sont présents, puissent porter attention aux recommandations ainsi faites. L'ambition ici n'étant pas de dire que ces recommandations sont une panacée.
L'idée, c'est de présenter une réflexion qui attire l'attention sur l'exigence qu'il y a d'apprendre du passé afin d'inscrire dans le marbre de l'histoire, les opportunités actuelles qui s'offrent à la Guinée, dans ses spécificités.
Un boom minier porteur d'espoirs
Depuis l'avènement du Professeur Alpha Condé, la Guinée connaît un développement exponentiel.
La production bauxitique est passée d'une dizaine de million de tonnes en 2015 à 50 millions en 2018. Les prévisions du Ministère guinéen des mines font état de plus de 100 millions à l’horizon 2023.
Seulement, le passé minier guinéen a été marqué par un certain nombre d’échecs, de retards, résultant, on va le voir, de certains choix organisationnels. Il est important d’en avoir conscience, d’en parler, afin notamment de garantir un développement minier fournisseur de rentabilité financière pour les investisseurs, leurs sous-traitants et, de rentabilité économique et sociale et environnementale pour les communautés riveraines des opérations, et partant, grâce à l'effet du fameux multiplicateur keynésien, pour la communauté nationale.
Ceci est à n'en pas douter, la volonté de toutes les parties prenantes au secteur.

9 recommandations qui méritent attention

1.       L'art et la manière de gérer un projet minier
Les auteurs stipulent que traditionnellement, les développeurs de projets miniers se concentrent trop sur le côté scientifique de leur gestion à travers le déploiement d'efforts et de ressources conséquentes dans la mise en œuvre de standards internationaux, de meilleures pratiques organisationnelles. Ce n'est pas mauvais mais, la situation optimale consisterait à faire un mix de science et d'art du leadership. En d'autres termes, les compétences « soft » référant à la conduite des hommes, sont toutes aussi importantes. Il s'agit ici de la prise en compte de l'état d'esprit, de l'attitude ainsi que de la culture organisationnelle. Ces éléments ne sont pas faciles à considérer et à mettre en œuvre dans les organisations minières pilotant ces projets. L'art du leadership à ce niveau inclus entre autres, celui de pouvoir définir la raison d'être d'une équipe, l'identité, la culture, mais aussi les incitations.
Les leaders de projets doivent également considérer la nécessité de forger en leurs équipes, le sentiment d'appartenance, la productivité dans la prise de décisions, ainsi qu'une gestion engagée de la performance des uns et des autres.
2.       L'exigence de productivité doit être au même niveau que celui de la santé sécurité
Il ne fait aucun doute sur le fait que les acteurs miniers réussissent en matière d'enracinement de la culture HSE (santé sécurité) dans leurs organisations. Cela doit demeurer ainsi.
Les auteurs proposent de faire pareil pour la productivité. Certains acteurs du secteur sont pro actifs dans le domaine. Une entreprise américaine est citée en exemple pour avoir été en mesure de créer et mettre en œuvre un modèle d'influence afin de développer chez leurs employés, la culture d'excellence en matière de productivité.
Par exemple, la traditionnelle réunion de partage de sécurité a été rebaptisée « partage de sécurité et de productivité. » En faisant cela (leur programme), ils auraient bénéficié d'un surcroît de 15% de productivité.
3.       Faire évoluer la relation « donneur d'ordre-sous-traitant »
L’expérience en le domaine a révélé que bien souvent, la complexité de la dynamique relationnelle entre les 2 aboutit à une sorte de jeu de poker-menteur. Une situation au sein de laquelle certains donneurs d'ordres transfèrent le risque aux sous-traitants lesquels en retour corrigent les pertes lors des avenants aux cahiers de charges et des réclamations.
In fine, lorsque les projets sont en difficulté, les donneurs d'ordre sont seuls avec la facture.
Pour éviter cela, les auteurs suggèrent aux entreprises minières de tirer les leçons de l’expérience des grands développeurs d'infrastructures et considérer un système de contrats relationnels dans lequel les acteurs de leurs chaînes de valeur respectives sont traités comme des partenaires stratégiques.
4.       Mettre en place une équipe projet intégrée et agile
Le malheur dans plusieurs projets miniers à parties prenantes multiples, c'est le cloisonnement organisationnel doublé d'un mode opératoire fondé sur la logique verticale de commandement et de contrôle. Les auteurs considèrent cela comme étant la meilleure manière d'aboutir à l'échec. Ils suggèrent aux entreprises minières d'adopter un mode opératoire qui permette à toutes les parties prenantes de se voir, se considérer comme étant partie intégrale à une organisation projet unifiée.
Il doit y avoir un esprit et une dynamique de collaboration avec des équipes transversales intégrées avec leurs clients organisationnels.
5.       A chaque projet son équipe spécifique
Il est important, proposent les auteurs, que les PDG s'assurent de former chaque équipe projet en fonction des spécificités du dit projet car la tendance naturelle consiste à répliquer la même structure organisationnelle partout. Cela ne fonctionne pas toujours et conduit à des échecs.

6.       Traiter la problématique de l'amélioration de la valeur projet au même titre que l'amélioration continue opérationnelle
L'amélioration de la valeur projet nous apprennent les auteurs, est un processus par lequel les entreprises minières accroissent la valeur actuelle nette en tirant profit de l'optimisation au niveau technique, commercial, et le design depuis le développement des débuts aux détails d'ingénierie.

7.       Mettre en place une tour de contrôle inter-entreprises pour les sous traitants
En matière de management organisationnel, les PDG disposent traditionnellement de « tableaux de bords" y compris dans le monde minier.
Les auteurs mettent en avant le fait que ces derniers n’intègrent pas systématiquement, tous les contours de la performance projet, et ne favorisent pas des approches collaboratives de résolution des problèmes.
La solution proposée ici devrait comprendre des éléments de coûts ainsi que des outils de gestion de la planification avec un lieu distinct de rencontre pour résoudre les difficultés rencontrées régulièrement.
La solution des tours de contrôle demande pour fonctionner, l'ancrage d'une culture de collaboration avec un accent sur la recherche de solutions en lieu et place de celle qui consiste à systématiquement blâmer les auteurs d'erreur
8.       Adoption de meilleures pratiques en matière d'approvisionnement
Dans le secteur minier, on a coutume de choisir dans le cadre d'appels d’offres, l'offre la plus basse mais acceptable au plan technique.
Toutefois, l'étude stipule que si les entreprises minières développant les projets mettent en place un schéma visant plus d'intégration avec leurs sous-traitants, les choses iraient pour le mieux.
Il est proposé notamment l'idée de procéder à la mise en place d'une stratégie et d'un plan d'action commun matière d'approvisionnement au donneur d'ordre et au sous-traitant.
Les équipes d'approvisionnement devraient être impliquées en amont des processus d'ingénierie afin de s'assurer que les capacités des fournisseurs soient prises en compte dans le développement des spécifications des équipements et des matériaux. 
9.       Se planifier en amont en vue d'adopter et tirer parti des nouvelles technologies
La digitalisation des opérations est aussi une réalité dans le secteur minier. Souvent les développeurs de projets miniers attendent d'aller très loin dans le développement de leur projet pour penser à adopter les nouvelles technologies de production. Il aurait fallu que cela se fasse plutôt, au démarrage du projet. Les considérations technologiques doivent être définies, budgétisées et le mode d'acquisition planifié.
Moderniser l'outil de production dans le secteur minier est devenu de nos jours une condition importante de compétitivité, d'amélioration de la santé-sécurité et de fiabilité dans le secteur. C’est aussi, il faut le reconnaître un facteur de tensions dans la mesure ou sur certains domaines comme l’adoption de camions et engins d’extraction sans chauffeurs comme c’est le cas dans certaines opérations minières de grands groupes internationaux, cela pourrait créer du chômage. Dans un pays comme la Guinée, nous savons combien les postes de conducteurs d’engins lourds occupent une place importante dans l’emploi minier. Ce sujet fut d’ailleurs l’objet d’un débat dans un panel au mois d’octobre auquel nous avons pris part, organisé par la chambre de commerce Canada-Afrique et le cabinet Mckinsey.

Comme nous pouvons le constater, ces 9 items ont au minimum, l'avantage d'ouvrir le débat et au maximum d'inspirer sur ce qui doit être pris en considération pour que les projets miniers sortent de terre et portent leurs promesses en matière de rentabilité financière mais aussi de développement économique durable.
S'il y a un élément critique à porter parmi certainement d'autres, c'est l'absence d'éléments explicites visant les problématiques environnementales et sociales. Elles sont certainement sous-entendues mais, il serait important dans le contexte d'un pays comme la Guinée par exemple, de les mettre en exergue et suggérer des approches intégrées pour venir à bout des défis qui se posent.

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Email: emaildialloabdoulaye@gmail.com




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