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L’importance que la
Guinée a acquise ces dernières années dans la production mondiale de bauxite a
eu pour conséquences de conduire les Organisations Non Gouvernementales
influentes, à s’intéresser davantage sur les effets de cette dernière sur les
populations locales. Inviter les constructeurs automobiles à plus de vigilance
est une nouvelle dynamique qui peut, si elle est bien exploitée, conduire les
parties prenantes guinéennes à améliorer leurs œuvres en matière de RSE.
«Arrêtez de vous
approvisionner auprès de mines qui ne respectent pas les droits humains »
Le respect de
l’environnement et des droits humains dans l’exploitation de la bauxite en
Guinée ne croit pas à la même vitesse que l’augmentation de la demande mondiale
d'aluminium.
C'est en quelque
sorte une des conclusions à laquelle on pourrait aboutir en prenant
connaissance du rapport publié le 22 juillet 2021, par Human Rights Watch et
Inclusive Development.
De nos jours, la
demande d'aluminium croit et il est attendu qu'elle double d'ici 2050. La
Bauxite est la matière première de l'aluminium. Cette demande est tirée par un
nouveau contexte économique marqué par le développement de nouvelles
technologies moins polluantes, afin de combattre le changement climatique.
L'objectif est
visiblement de contraindre les constructeurs automobiles, à s’intéresser
davantage sur les conditions sociales et environnementales qui entourent
l'exploitation de la Bauxite en Guinée.
« Nous
invitons les entreprises du secteur automobile à faire davantage afin d’élever
les standards sociaux et environnementaux et d’arrêter de s’approvisionner
auprès de mines qui ne respectent pas les droits humains » peut-on lire dans
le rapport.
Le rapport estime
que les grandes entreprises du secteur disposent du pouvoir d’achat et donc du
pouvoir de changer les choses.
Certaines d’entre
elles ont pris l’initiative de promouvoir un approvisionnement responsable en
mettant sur pied un schéma de certification industriel intitulé Aluminium
Stewardship Initiative (ASI).
Le rapport estime
tout de même que les standards de l’ASI ainsi que son processus d’audit ont
besoin d’être renforcés. Il est par exemple proposé que les communautés soient
parties prenantes au processus d’audit de l’ASI. Le rapport estime
également que la certification n’est qu’un maillon.
Il devrait y avoir un large processus de
« due diligence » (vérifications) comprenant la cartographie de la
chaine d’approvisionnement, la divulgation au public, l’analyse des risques,
des mécanismes de réclamation, l’engagement direct avec les mines raffineries
et fonderies impliqués dans des abus de droits humains.
Le rapport informe
qu’un groupe de 11 grandes entreprises incluant Toyota, Ford, BMW, Volvo,
Wolkswagen, ont été à l’initiative de « Drive sustainability »
(favoriser la durabilité) en mai 2021, afin d’évaluer le risque « droits
humains » inhérent aux chaines d’approvisionnement de l’aluminium ainsi
que les 9 matières premières qui entrent dans le processus de production des
voitures.
C’est dire haut
combien les groupes d’automobile et pas des moindres, commencent à prendre les
choses au sérieux.
En janvier 2021,
« Drive Sustainability » aurait même écrit à l’Aluminium Association
regroupant une douzaine de producteurs d’aluminium, afin d’exprimer leurs
préoccupations concernant la Guinée et de solliciter des informations sur les
processus de vérifications sur les droits humains opérés par ses membres, et de
faire par de son soutien dans la médiation conduite entre une compagnie minière
guinéenne et 13 communautés locales impactées en Guinée.
Certaines
entreprises contactées par les 2 ONG auraient déjà commencé à prendre les
mesures susmentionnées.
La CBG ainsi que
ses principaux actionnaires, aurait été directement contactée notamment par
Wolkswagen afin de les inviter à une participation constructive dans la
médiation.
S’agissant du Ghana
par exemple, la BMW aurait clairement stipulé que si l’exploitation de la
bauxite se faisait en violation de ses obligations contenues dans la convention
des nations unies sur la biodiversité et l’accord de paris sur le changement
climatique, BMW n’acceptera plus de payer de l’aluminium provenant de ce pays.
Que propose le
rapport aux compagnies du secteur de l’automobile?
Le rapport propose aux
compagnies du secteur d’inclure dans leurs contrats d’approvisionnement, des
clauses contraignantes en matière d’environnement et de droits humains et
d’inviter les autres fournisseurs de la chaine d’approvisionnement, à en faire
de même.
En outre, le
rapport les invite à prendre d’autres mesures additionnelles telles que :
·
Faire de l'aluminium une matière première prioritaire pour un
approvisionnement responsable et cartographier leur chaîne d'approvisionnement
pour identifier les mines, raffineries et fonderies auprès desquelles ils
s'approvisionnent.
·
Divulguer ces informations pour permettre aux communautés et aux ONG de
partager des informations sur les risques pour les droits humains.
·
Évaluer régulièrement tout impact négatif sur les droits de l'homme par
le biais d'audits tiers crédibles et solides des mines, des raffineries et des
fonderies, ainsi que par le dialogue avec les ONG et les groupes
communautaires.
·
Visitez les mines et les sites de production avec les communautés
locales impactées par leurs opérations.
·
Formuler un plan pour atténuer et traiter les violations des droits
humains dans la chaîne d'approvisionnement - cela devrait inclure un engagement
avec les propriétaires et les opérateurs pour les obliger à avoir des plans
d'action correctifs assortis de délais et fournir des réparations et des
recours pour les victimes.
·
Si les délais ne sont pas respectés, rejetez les pièces en aluminium
provenant des installations.
·
Prendre des mesures collectives, le cas échéant, en collaboration avec
des groupes de la société civile et d'autres parties prenantes, pour lutter
contre les risques pour les droits humains communs à l'extraction de la
bauxite, au raffinage de l'alumine ou à la production d'aluminium dans un pays
ou une région donnée.
·
Développer leurs propres mécanismes de réclamation grâce auxquels les
communautés peuvent déposer des plaintes pour violations des droits humains
dans leurs chaînes d'approvisionnement.
·
Soutenir les efforts de la société civile et des groupes communautaires
pour créer des lois fortes et applicables sur les droits de l'homme pour
obliger toutes les entreprises à rendre des comptes. En plus d'exploiter
l'influence de l'industrie automobile pour conduire le changement dans
l'industrie de l'aluminium.
Une opportunité
pour valoriser davantage le label Guinée
Très souvent hélas,
ce type de rapports dont le but est de sortir les acteurs de leurs zones de
confort, suscitent des réactions mitigées, tant de la part de certaines parties
prenantes étatiques ainsi que certaines entreprises locales.
Or, elles doivent
pouvoir y voir en ce type d'initiatives, une source d’information, une
opportunité d’amélioration. En effet, il ne peut y avoir de volonté de créer
les conditions d'un développement économique sans que le souci de la durabilité
de ce dernier ne soit au cœur des politiques publiques ainsi que des plans
stratégiques des entreprises minières qui exploitent les ressources en
l’occurrence ici la bauxite.
En plus de
cela, il doit y avoir des efforts retentissants et continus pour que les vœux
soient une réalité concrète et transformationnelle.
Des efforts sont
faits par l'État, les compagnies minières en matière de responsabilité sociale
et environnementale en Guinée.
La question qui se
pose est de savoir est-ce que ces derniers sont suffisants au point d'avoir
atteint un niveau critique garantissant une exploitation minière respectueuse
d’un développement économique durable qui tienne compte des droits humains des
communautés?
Ce type se rapport
viennent nous rappeler qu'il y a encore énormément de place pour des progrès
substantiels en le domaine.
C'est donc une
opportunité pour l'État guinéen qui gagnerait à comprendre ici que l'avantage
concurrentiel de la Guinée en matière de production de Bauxite doit être
consolidé en utilisant les informations fournies par le document, afin de mieux
orienter le travail qui est fait en partenariat avec les entreprises minières
dans le domaine de la responsabilité sociale et environnementale.
Si le gouvernement
et les entreprises minières opérant en Guinée estiment qu'ils font un excellent
travail, eh bien ce rapport leur fournit les ressources inspirantes qui leur
permettront de mieux valoriser ce qui est fait.
En revanche, s'ils
estiment en leur âme et conscience qu’il y a matière à faire davantage, eh bien
ce rapport doit être perçu comme une source de pression constructive et
stimulante pour en faire davantage.
Ceci est d'autant
plus important que les compagnies automobiles internationales elles vont très
rapidement devoir intégrer ces recommandations (certaines on l’a vu, l’ont déjà
fait), car les fonds d’investissement qui financent leur développement et qui
siègent dans leurs conseils d’administration vont leur mettre davantage de
pression en ce sens.
Pourquoi? Parce que
ces fonds investissement gèrent l'argent de petits épargnants de plus en plus
sensibles aux problématiques des droits humains, du climat etc.
En clair, prendre
l'initiative de la proactivité en termes de respect des droits humains ainsi
que de la responsabilité sociale et environnementale dans l’exploitation
minière, ne fera que du bien au label Guinée. C’est le prix à payer pour que
notre bauxite demeure vendable sur les marchés internationaux.