« Plus nos sociétés
deviennent modernes, plus nous avons besoin de confiance. Mais cela devient de
plus en plus difficile. La confiance ne peut être imposée. Elle doit se gagner.
Elle se gagne en appliquant les règles pour que chacun puisse tirer parti,
équitablement des opportunités que la société offre. » Margareth Vestagher, Commissaire
Européenne chargée de la concurrence.
Ces propos font
échos au-delà du contexte et de la raison pour laquelle ils ont été prononcés.
Ils raisonnent aussi pour la Guinée. Ils traduisent l’importance fondamentale
que revêt l’existence de la confiance entre les différents acteurs d’un pays
afin que chacun puissent jouir des bienfaits de ce dernier.
L’ambition légitime
des filles et fils de la Guinée, consistant à profiter de conditions d’un
développement économique harmonieux, prospère et durable, tarde à se
concrétiser. Ce n’est pas faire preuve de science infuse que de le dire. Les
messages et commentaires des guinéens sur les réseaux sociaux, indiquent
combien la perception que ces derniers ont de leurs conditions de vie, est
précaire.
Malgré les
progrès conjoncturels enregistrés qui se
sont traduit par une croissance économique de 6.7% en 2017, portée par l’accroissement
de la production minière, les activités de construction, l’agriculture, et une
meilleure fourniture d’électricité, les prévisions de la Banque Mondiale font état
d’une stagnation de cette dernière aux alentours de 5% jusqu’en 2020.
En 2012, 55% des
guinéens vivaient pauvres et certainement, à cause de l’impact d’Ebola, ce
chiffre a certainement dû augmenter, selon la Banque Mondiale.
La performance
gouvernementale a été remarquable ces derniers temps sur le plan de la gestion
des indicateurs macroéconomiques. Le seul problème, c’est le fait que cette
performance ne se traduit pas concrètement en matière d’amélioration des
conditions de vie des populations dans leur ensemble. Comment s’assurer du fait
que les fruits de la croissance économique soient équitablement répartis entre
les différentes couches socio-économiques du pays, demeure un défi à relever.
Il ne peut y avoir développement économique harmonieux sans confiance
La confiance
entre les acteurs socio-économiques d’une nation est la première condition de
survenue d’un développement économique.
Pour que règne cette confiance, il faut que les règles établies (lois et
règlements) soient respectées. Et pour que ces règles soient respectées, il
faut de la bonne foi totale de la part de celles et ceux qui disposent de la
responsabilité de la gestion d’Etat.
Lorsque cette
bonne foi est acquise de la part des gouvernants, elle est requise de la part
des citoyens.
En d’autres
termes, dans un système démocratique, le pouvoir et la responsabilité que revêt
sa détention, conférée aux gouvernants, n’est légitime que par la volonté de la
majorité populaire, exprimée dans le cadre d’une élection. C’est donc sur la
base de la loi de la majorité, qu’une partie de la population, au nom de
l’intérêt général, confie à une autre, les gouvernants, la conduite de la
nation.
Nous ne pouvons
espérer un développement économique harmonieux, si nous nous trouvons dans une
situation au sein de laquelle les gouvernés, de par leurs actions de défiance
de l’ordre établit, expriment leur désapprobation face à l’action conduite par
les gouvernants.
D’aucuns diront
que des règles entourent l’expression de cette désapprobation. Certes.
Mais que fait-on
lorsque ces règles, supposées permettre aux citoyens mécontents de s’exprimer
et de changer les choses, ne sont pas appliquées à cause justement de la
mauvaise foi de la part des gouvernants ?
L’exigence d’un débat
national sur l’état de notre fonctionnement démocratique s’impose !
Un éminent homme
politique anglais du non de Tony Benn a déclaré ceci : «
dans le cours de ma vie, j’ai développé 5 petites questions démocratiques. S’il
vous arrive de rencontrer un homme puissant –Adolf Hitler, Joseph Staline, Bill
Gates- posez leurs 5 questions : Quelle est la nature de votre
pouvoir ? Comment l’avez-vous eu ? A qui êtes-vous supposé rendre
compte ? Comment peut-on se débarrasser de vous ? Si vous ne
pouvez pas vous débarrasser des personnes qui vous gouvernent, vous ne vivez
pas dans un système démocratique.»
Que fait-on donc
lorsque les personnes mandatées par le peuple pour gouverner ne permettent plus
à ce que les règles fixées pour les renouveler, lorsqu’on n’est pas content
d’eux, soient appliquées ?
La réponse à
cette question mérite un effort collectif. Elle doit être posée au moins dans
les états-majors des partis politiques, dans les associations et ONG de la
société civile et mieux ; elle doit être traitée dans un esprit de
sérieux, de responsabilité et surtout de patriotisme.
Il est très
important que ce débat ait lieu au sein
de la société guinéenne car aujourd’hui l’actualité des faits politiques et
sociaux sur les dernières années, montre qu’il y a une sorte de rupture totale
du lien de confiance entre le peuple et la classe politique et dirigeante.
Comment en est-on arrivé
là ?
D’une part, il y
a l’échec des dirigeants successifs depuis l’indépendance du pays.
Ils n’ont pas
réussi à maintenir dans la durée, l’exercice intègre de la responsabilité de
conduite de la destinée du peuple. Ici, le terme intègre doit être considéré
dans son sens le plus large, au-delà de la simple intégrité en matière de
gestion des finances publiques.
L’échec dont il
est question ici, renvoie plutôt à l’idée de non capacité à instaurer et faire
vivre durablement les principes et valeurs démocratiques, de service public, de
l’intérêt général qui doit servir de cadre à l’action des gouvernants.
Prenons l’exemple
des appareils politiques. Sauf erreur, les dynamiques visant à fournir une
éducation démocratique et citoyenne de leurs membres et au-delà, leurs membres
potentiels, est quasi-absente pour ne pas dire inexistante.
Pourtant, elles
doivent demeurer la priorité, au même titre que l’organisation des campagnes
électorales. On le voit bien, c’est parce que cette culture démocratique est
faible auprès de la majorité de la population, que cette dernière ne parvient
pas à exprimer ses choix de vote par discernement, au-delà de la simple
appartenance régionale du candidat pour lequel elle exprime son vote.
Cette absence de culture démocratique marquée
par un peuple qui n’est pas « éduqué » pour comprendre pourquoi
choisir tel candidat et pourquoi ne pas choisir un tel, conduit à toutes les
tensions pré et post-électorales que nous connaissons, résultant d’un processus
de vote soufrant d’une forte absence d’intégrité.
Car en effet, si
le peuple, disposant de son libre arbitre, acquis par l’éducation qu’il a reçu
sur les tenants et les aboutissants du processus démocratique, s’exprimait en
majorité en son âme et conscience, il sera très difficile pour tel ou tel camp
de procéder à l’accomplissement d’actions visant à orienter artificiellement le
vote citoyen en leur faveur et ternir ainsi l’intégrité du vote. On se souvient tous de la fameuse formule
ironique prononcée par feu le Président Omar Bongo qui donne du crédit à cette
assertion : « un président africain qui organise une élection, s’il
perd, c’est qu’il a voulu perdre… »
D’autre part, il
y a le niveau de capacité des femmes et des hommes qui ont la responsabilité de
conduire la gestion de l’Etat. Pour œuvrer de manière efficace et efficiente
dans le sens de l’intérêt général, il faut avoir au préalable été formé et
préparé à cela. Dans tous les grands pays du monde, il y a des grandes écoles
et de grandes universités qui forment les gestionnaires publiques. Le problème
de compétences techniques et interpersonnelles auquel s’ajoute l’absence de
vision et de sens de l’intérêt général, forment un cocktail pas très propice à
la performance et au progrès dans la gestion des affaires publiques.
La gestion des
affaires de la cité est d’une importance telle qu’elle ne doit pas laisser la
place à l’improvisation, à l’égoïsme, l’incompétence. Il faut des hommes d’Etat
altruistes, dotés de bon sens, compétents à la gestion publique, compétents en
matière de gestions des hommes et surtout qui croient en la démocratie. Si le
peuple dans sa majorité ne comprend pas que ses choix doivent porter sur des
femmes et des hommes répondants au minimum aux critères susmentionnés, eh bien
il se condamne à opérer des choix qui finissent par se révéler rapidement inappropriés, retardant ainsi l’amélioration de ses conditions de vie, de santé,
d’éducation etc. Ce peuple se retrouve donc dans un cercle vicieux fait de
frustrations accumulées générant de sa part, défiance à l’ordre établit parce
que ne disposant d’aucun recours garantissant que son mécontentement sera suivi
d’effet en matière de sanctions des gouvernants. On revient donc ainsi à la
citation de M. Tony Benn qui a affirmé que si vous ne pouvez pas vous débarrasser des
personnes qui vous gouvernent, vous ne vivez pas dans un système démocratique.»
AD
Email: emaildialloabdoulaye@gmail.com
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